L’entrée au capital d’une personne mariée ou pacsée dans une société à parts sociales (SCI, SARL, SNC…) soulève des questions liées aux droits du conjoint ou partenaire de Pacs sur les parts, conformément à l’article 1832-2 du Code civil.
Dans cet article nous analysons les implications des différents régimes matrimoniaux et de Pacs sur les apports, l’acquisition de parts ainsi que les cessions de parts. Nous vous indiquons également les précautions à prendre afin d’éviter les litiges et de sécuriser les opérations.
Ces contraintes ne s’appliquent pas aux sociétés à actions (SA, SAS…), le conjoint ou partenaire de Pacs n’ayant aucun droit sur les actions.
L'impact du mariage sur les parts sociales
En droit français, les personnes mariées peuvent choisir entre 4 régimes matrimoniaux :
- La communauté réduite aux acquêts (régime légal applicable par défaut)
- La séparation de biens
- La participation aux acquêts
- La communauté universelle
Le régime matrimonial détermine les règles applicables aux apports, acquisitions et cessions de parts sociales.
La communauté réduite aux acquêts
En l’absence de contrat de mariage, les époux sont soumis au régime légal de la communauté réduite aux acquêts (articles 1400 et suivants du Code civil). C’est le mode « par défaut ».
Ce régime distingue 2 catégories de biens :
- Biens communs : tous les biens acquis et revenus perçus (y compris les salaires) pendant le mariage.
- Biens propres : tous les biens acquis et revenus perçus avant le mariage, ainsi que les biens ou fonds reçus par donation ou succession pendant le mariage.
Lorsque l’apporteur est marié sous le régime légal, il est important de s’interroger sur l’origine des biens ou des fonds qu’il apporte.
L'apport de biens propres est libre
L’époux peut apporter librement un bien propre (ou des fonds propres) pour acquérir des parts sociales, sans avoir à avertir son conjoint.
Les parts sociales reçues en contrepartie demeurent des biens propres, et seul l’époux apporteur a la qualité d’associé.
L’époux est libre de vendre (ou donner) ultérieurement ces parts et le prix de vente constituera également un bien propre.
L'apport de biens communs est strictement encadré
L’apport d’un bien commun (ou de fonds communs) est quant à lui strictement encadré.
L'obligation d'informer le conjoint
L’article 1832-2 du Code civil, en son premier alinéa, impose d’informer préalablement le conjoint lorsqu’un époux apporte un bien commun ou achète des parts en utilisant des fonds communs.
La preuve de cette information doit être faite dans l’acte (d’apport ou de cession de parts, selon le cas).
Si cette information n’est pas donnée, le conjoint peut demander l’annulation de l’apport dans les deux ans à compter du jour où il en a eu connaissance (article 1427 du Code civil).
La possibilité pour le conjoint de revendiquer la qualité d’associé
Le conjoint peut, à tout moment, revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales reçues en contrepartie de l’apport.
Si cette revendication est faite lors de l’apport (ou de l’acquisition des parts), le conjoint devient automatiquement associé et reçoit la moitié des parts sociales sans être soumis à l’agrément des associés.
En revanche, si la revendication est faite ultérieurement, le conjoint peut être soumis à l’agrément des associés si les statuts le prévoient expressément.
La jurisprudence considère que la clause d'agrément concernant les cessions de parts sociales ne s'applique pas au conjoint revendiquant la qualité d'associé. Il convient donc de vérifier si une clause spécifique a été prévue dans les statuts.
Pour prévenir tout litige et assurer la stabilité de l’actionnariat, il est recommandé de faire intervenir le conjoint dans l’acte d’apport ou d’acquisition des parts afin de le faire renoncer à la qualité d’associé. Cette renonciation est définitive et ne pourra pas faire l’objet d’une rétractation de sa part.
La cession ultérieure des parts communes
Les parts sociales reçues en contrepartie de l’apport d’un bien commun constituent des biens communs. Ainsi, toute cession ou donation de ces parts nécessite l’accord du conjoint conformément à l’article 1424 du Code civil, et ce même si le conjoint a renoncé à la qualité d’associé.
Le prix de vente des parts constituera également un bien commun.
La séparation de biens
Sous le régime de la séparation de biens, chaque époux conserve la propriété et la gestion de ses biens, qu’ils soient acquis avant ou après le mariage (article 1536 du Code civil). Tous les biens sont qualifiés de « biens personnels« .
L’époux peut donc librement réaliser un apport ou acquérir des parts sans en informer son conjoint. Les parts sociales reçues en contrepartie restent des biens personnels qu’il peut ensuite transmettre librement. Le prix de vente des parts demeure également un bien personnel.
La participation aux acquêts
La participation aux acquêts est un régime hybride qui fonctionne comme une séparation de biens durant le mariage.
L’époux est libre d’effectuer un apport ou d’acquérir des parts. Son conjoint n’a aucun droit sur les parts sociales.
Cependant, lors de la dissolution du régime (par divorce ou décès), chaque époux ayant droit à la moitié des acquêts constitués par l’autre, la valeur des parts peut être partagée en fonction de l’enrichissement de chaque époux (article 1569 du Code civil).
La communauté universelle
Lorsque les époux choisissent le régime de la communauté universelle, tous leurs biens deviennent des biens communs, qu’ils aient été acquis avant ou pendant le mariage (article 1526 du Code civil).
Par conséquent, tout apport ou acquisition de parts nécessite l’information préalable du conjoint, qui pourra revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts.
Les parts sociales reçues sont des biens communs. Leur cession ou donation ultérieure nécessitera l’accord du conjoint, et le prix de vente sera également un bien commun.
L'impact du Pacs sur les parts sociales
Les partenaires pacsés sont également soumis à des règles spécifiques, qui varient en fonction du type de Pacs.
La séparation des patrimoines
Le régime de la séparation des patrimoines s’applique de plein droit aux Pacs conclus depuis le 1er janvier 2007 (avec possibilité d’opter pour le régime de l’indivision dans la convention de Pacs).
Chaque partenaire conserve la propriété exclusive de ses biens, qu’ils aient été acquis avant ou pendant le Pacs (article 515-5 du Code civil).
Le partenaire peut librement apporter un bien ou acquérir des parts sans en informer l’autre. Les parts sociales qu’il reçoit en contrepartie demeurent se propriété exclusive, son partenaire n’ayant aucun droit dessus.
L’indivision
Le régime de l’indivision s’applique de plein droit aux Pacs conclus avant le 1er janvier 2007 (avec possibilité d’opter pour le régime de la séparation dans la convention de Pacs).
Ce régime présume que tous les biens acquis pendant le Pacs sont indivis pour moitié, sauf convention contraire (article 515-5-1 du Code civil).
Le partenaire peut librement apporter un bien personnel, c’est-à-dire dont il était propriétaire avant le Pacs ou qu’il a acquis par succession, donation ou legs.
En revanche, il doit obtenir l’accord de son partenaire pour tout apport ou acquisition de parts avec un bien indivis, c’est-à-dire un bien acquis pendant le Pacs (y compris les salaires perçus), à l’exception de ceux reçus par donation ou succession.
Les parts sociales recues en contrepartie sont présumées indivises pour moitié, que le bien apporté soit personnel ou indivis, sauf si l’acte ou les statuts l’écartent expressément.
Pour éviter toute confusion, il est recommandé de prévoir dans les statuts si les parts d'un associé pacsé sous le régime de l'indivision sont indivises ou propres. Si l'on souhaite écarter la présomption d'indivision, il est possible d'indiquer dans les statuts que les parts sont la propriété exclusive du partenaire apporteur/acquéreur.